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L’ironie de l’histoire, Albert, c’est qu’ayant, durant plusieurs années, fui la Pologne où tu étais né le 14 mai 1903, tu y reviens, après un périple de fugitif, le 29 avril 1944. Mais ce n’est pas la maison familiale de Posen que tu retrouves, ni tes amis de lycée ou une ancienne petite amie. Non, c’est à Birkenau que s’achève le voyage, et pour t’accueillir à la descente du train, les gardes, les coups de trique, les aboiements des chiens, qui te poussent vers ta sortie. Tu as 40 ans, il te reste au plus deux heures à vivre mais tu ne le sais pas, tu essayes de comprendre quelque chose à la sauvagerie qui t’entoure. Un peu avant l’arrivée, depuis le wagon à bestiaux tu as, lu à travers le fenestron grillagé, le panneau « Oswiecim ». Dans le camp, tu lèves la tête vers le ciel de Haute-Silésie chargé d’une fumée noire pestilentielle, tu songes que tu dois te trouver à environ 300 kms de chez toi.

 

Il n’y a rien te concernant, Albert Neustadt, dans les archives du Muzeum National d’Auschwitz, sinon que tu te trouvais bien dans le convoi N° 72 arrivé à Auschwitz-Birkenau le 29 avril 1944, comme l’attestent les listes de Klarsfeld.

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As-tu été poussé dès les premières heures dans la chambre à gaz, tes cendres ensuite dispersées dans la rivière Sola ?

 

Es-tu passé du bon côté de la sélection pour pouvoir survivre quelques jours, quelques semaines ? Est-ce quelqu’un d’autre que toi qui est mort à ta place sous le nom d’Albert Neustadt, quand sous celui d’Eugène Savary ou sous un autre, tu refaisais ta vie ailleurs, incognito ?

Sans doute non, pas de happy end.

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Mais au fond, qui sait ? 

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Tu as plus d’un tour dans ton sac, tu l’as déjà prouvé. 

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Auschwitz-Birkenau

 

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Comme beaucoup d’autres personnes, Albert est assassiné dans le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau. Situé en Pologne, c’est un camp de concentration, certes, mais aussi un centre de mise à mort qui a provoqué la mort de plus d’un million de déportés qu’ils soient Juifs, Tziganes, opposants politique, résistants ou homosexuels… Auschwitz a été créé le 27 avril 1940 suite à l’effroyable idée d’Heinrich Himmler nommée «Solution Finale»… Les déportés y sont emmenés de force par convois et ne s’attendent pas à ce qui va leur arriver; transportés dans des wagons à bestiaux, sans eau ni nourriture, nombreux sont ceux qui ne survivent pas jusqu’à la fin du voyage… Arrivés là-bas, les déportés sont triés: les plus faibles vont directement dans des chambres à gaz déguisées en douche… Les plus robustes finiront, quasiment tous, leurs jours dans le camp, souvent assassinés par les armes à feu, le manque de soin et de nourriture et les expériences médicales. Les femmes et les hommes sont séparés dans différentes parties d’Auschwitz et les enfants de moins de 16 ans tués dès leur arrivée.

 

Le camp était dirigé par Rudolf Höss et SS et Kapos y faisaient régner la terreur, profitant de leur statut pour traumatiser et tuer autant de personnes qu’ils le souhaitaient. Les déportés étaient réduits à vivre comme des animaux, dépossédés de leur identités auxquelles sont substitués des numéros tatoués dont ils doivent mémoriser la prononciation allemande pour répondre aux nombreux appels de la journée. Matricules se bagarrant pour un quignon de pain rassis, vêtus de guenilles trop légères pour le rigoureux hiver polonais, infestés de maladies et de vermines, privés de soin et d’intimité, vivant quotidiennement avec la peur de mourir.

 

Tout avait été pensé en amont pour que les Alliés, s’ils gagnaient la guerre, ne soient pas témoins de l’horreur et de l’inhumanité d’Auschwitz. Il ne fallait laisser aucune trace de cette extermination de masse aussi, les cadavres étaient-ils brûlés dans des fours crématoires, en témoigne une fumée noire présente en permanence au dessus du camp…

 

Le 27 janvier 1945, l’Armée Rouge libère le camp d’Auschwitz-Birkenau. C’est en 1947 que le gouvernement polonais décide d’en faire un musée dédié à la mémoire des déportés.

 

En 1979, ce monument historique et culturel deviendra alors inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Auschwitz a fêté le 75ème anniversaire de sa libération en ce début d’année …

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