top of page

Le 1er septembre 1939, la Seconde guerre mondiale commence…. Toi Albert, tu t’engages comme légionnaire volontaire, le 9 décembre 1939 dans un bureau de recrutement de Bourges comme l’attestent les documents des archives militaires.

Pourquoi ce choix ? Pour défendre ton pays d’accueil, pour lutter contre ce nazisme qui te répugne tant, ou bien par obligation de la part des autorités françaises ?

Tu te détournes de cette vie oisive, de ces chambres d’hôtels douillettes, de ces soirées au bar dans ces grands palaces où, un verre à la main, tu admirais les pin-up fumant leurs fines cigarettes. Tu abandonnes ce conformisme et tu oublies tout ça.

Tu résistes Albert. Tu choisis le combat, tu ne te dérobes pas, tu ne fuis pas, tu regardes l’épaisseur de la vie et dans ses méandres, tu optes pour le sacrifice. Tu t’opposes aux sirènes de l’antisémitisme, du totalitarisme et du darwinisme social, qui t’accablent jusqu’à la nausée.

Ta vie bascule Albert, elle ne sera plus la même.

Te voilà affublé de l’équipement militaire nécessaire pour mener le combat: on t’équipe d’un casque métallique arrondi arborant l’insigne de la légion, de la tenue traditionnelle de teinte kaki brun, d’un porte-pistolet en bandoulière pour le côté gauche, et d’une petite sacoche de cuir, sur le côté droit, où tu conserveras tes balles et ton tabac au sec. Et puis, les armes : probablement un fusil mitrailleur F.M. M.A.C. modèle 1924-29 d’un calibre de 7,5mm, et un pistolet. Tu es prêt à te battre, Albert, pour sauver cette Europe en proie au chaos le plus total.

Avec toi, près de 43 000 étrangers s’engagent, et parmi ces derniers, il y a environ

25 000 Juifs. Ces volontaires veulent défendre leur patrie d’adoption, certains souhaitent acquérir la nationalité française, mais d’autres le font pour des raisons financières en pensant à leurs familles. Il y a des espagnols - nombreux- des polonais , des allemands, des belges, des suisses, des hongrois… Le succès est au rendez-vous comme en témoigne l’article de Paris Match datant du 29 février 1940 et titrant : «  Ces étrangers seront l’armée du monde devant les barbares ».

L’armée s’organise, la « Drôle de guerre » ne finit pas, et on décide de répartir les légionnaires en plusieurs unités.

Tout d’abord on retrouve les 21ème, 22ème et 23ème régiment de marche des volontaires engagés, formés au camp de Barcarès dans les Pyrénées-Orientales. Ces « régiments ficelles », appelés ainsi à cause de leur manque de matériels et de cadres, participent à la campagne de France. Ils se déploient dans les Ardennes, dans la région de Péronne et de Soissons, dès le début des hostilités. Ils subissent de lourdes pertes.

Puis, on répartit aussi les légionnaires en deux Régiments Étrangers d’Infanterie. C’est dans le 11ème R.E.I, Albert, que tu as dû servir parmi près de 3 000 hommes divisés en trois bataillons.

Pour toi, ta formation commence au camp de La Valbonne, près de Lyon, avec des gradés, des légionnaires venus d’Afrique, et quelques réservistes. Il n’y a pas beaucoup d’allemands comme toi : on a choisi seulement les plus déterminés à prendre leur revanche sur leur ancien pays. Sous le commandement du Colonel Maire, figure légendaire de la Légion Étrangère, on t’apprend l’esprit de la légion : honneur et fidélité. Son code d’honneur est vite appris, et tu le récites avec tes nouveaux camarades : « La mission est sacrée, tu l’exécutes jusqu’au bout et s’il le faut, en opération, au péril de ta vie. »

La tienne, justement, va être terriblement chambardée.

Le 7 décembre 1939, tu arrives dans la zone des armées en Lorraine. Avec ta nouvelle famille, on te donne l’ordre de tenir les intervalles de la ligne Maginot dans la région de Sierck au ravin d’Aspach. Dans la nuit du 1er au 2 janvier 1940, ton régiment monte aux avant-postes, et durant le trajet tu découvres les cadavres tuméfiés, les chevaux agonisants jonchant le sol gelé.

C’est parti Albert! Tu y es ! La guerre des patrouilles est engagée. Impossible de renoncer. Après des mois d’attente, le 10 mai 1940, la grande offensive allemande est lancée. Le cœur serré, tu es prêt à te battre. Trois jours plus tard, les premiers soldats de ton régiment meurent dans le bois de Merle, en bordure du ravin du Diable.

Tout s’accélère, Albert : l’élan meurtrier et sanguinaire des hommes sur leurs lignes de front, ne peut plus être arrêté.

Le 14 mai 1940, à quatre heures du matin, ton unité commence à faire mouvement en camion vers la région de Sedan où la 2e Armée est assaillie par les Panzers ennemis.
Puis le 22 mai, tu es affecté au secteur de Sedan, sur la rive droite de la Meuse. Dans cette région de bois et de marécages, tu subis pendant plusieurs jours les assauts répétés des Stukas, ces bombardiers Allemands qui composent un sombre ballet de piquets meurtriers.

Une seule solution Albert, t’aplatir au sol, dans la terre boueuse et calcinée, et te terrer dans le moindre trou. Le temps s’arrête, ta vie défile. Mais non, tu ne veux pas mourir.

Les jours se succèdent, terribles, mais avec tes frères d’armes, vous résistez, vous survivez, vous tenez vos positions et retardez l’inéluctable avancée allemande dans ce bois d’Inor, malgré l’intensité des combats et les tirs des forces blindés ennemis.

Le 17 juin 1940, le discours du vieux Maréchal Pétain résonne au sein de ton régiment comme un aveu de faiblesse. Vous, les légionnaires, vous ne renoncez pas.

Le 21 juin, vous reculez, la retraite est sonnée : après des heures de combats et de marches, vous sabotez même les mitrailleuses et les mortiers.

Puis, la consigne est vite donnée : fermer les yeux si des légionnaires s’échappent.

Tu as dû partir, Albert, pour éviter la prison allemande.

Direction, le sud de la France.

C’est à Marseille que nous te retrouvons au 5 rue Thubaneau comme le mentionne ton ordre de démobilisation daté du mois d’août 1940. La guerre est terminée, Albert. La France est occupée, mais tu vas devoir encore te battre pour survivre.

bottom of page